Un vaste trafic de reins démantelé près de Delhi

Marie-France Calle, correspondante à New Delhi
Le Figaro 29/01/2008 |

 

«Le 17 janvier, j'étais venu comme chaque jour à l'endroit où les employeurs potentiels viennent proposer des petits boulots à la journée, raconte Mohammed Salim, un habitant de Meerut, vaste agglomération située à une centaine de kilomètres au nord de Delhi. Un homme m'a abordé, me faisant une offre que je ne pouvais pas refuser. Il s'agissait d'un travail pour quatre mois à Delhi, où je devais être logé et nourri, avec un salaire de 150 roupies (moins de 3 euros) par jour.» «Je me suis retrouvé dans un endroit inconnu, coupé du monde, poursuit-il. J'ai cru apercevoir des types de ma condition. Deux hommes armés veillaient à ce que nous ne nous échappions pas. Le 23 janvier, mon tour est venu. On m'a transporté dans une grande maison, où l'on m'a fait une piqûre. Je me suis endormi. Lorsque je me suis réveillé, j'ai ressenti une vive douleur dans le dos. C'est alors que quelqu'un m'a dit que l'on m'avait prélevé un rein. J'avais envie de vomir, j'étais extrêmement faible. J'ai su à ce moment-là que je ne pourrais plus jamais louer ma force de travail comme avant. Je n'avais qu'une envie, rentrer chez moi pour y retrouver mes enfants.»

Des témoignages comme celui de Salim ne manquent pas. (…) Depuis la semaine dernière, tout le monde est au courant, la discrète maison de trois étages du Dr Amit Kumar était le siège de l'un des plus gigantesques trafics d'organes du pays. En neuf ans, le Dr Kumar a pratiqué pas moins de 500 transplantations d'organes, prélevés sur de pauvres bougres au profit de riches étrangers.

Le Dr Kumar pratiquait une équation simple : 50 000 roupies (910 euros environ) pour le donneur  - pour un pauvre, en Inde, c'est une fortune- ; 2 millions de roupies (36 000 euros environ) pour des étrangers ou de riches Indiens prêts à tout pour rester en vie, ce n'est presque rien.

(…)

Dans «l'Inde qui brille», des milliers de volontaires sont prêts à vendre l'un de leurs reins, tout simplement pour ne pas crever de faim. Ils se recrutent sans problème aux alentours des gares ferroviaires et autoroutières, dans les grandes métropoles comme Delhi, Bombay, Madras. «Ils se font opérer sans histoire et empochent avec reconnaissance les 40 000 ou 50 000 roupies (900 € environ) qu'on leur jette en pâture», reconnaît un commissaire de police à Delhi.

 

 

Tant qu'il s'agit de vendre à des étrangers des implants dentaires ou des interventions chirurgicales à bas coût, le mal n'est pas bien grand. Il est même la fierté de ce pays. Mais lorsque l'on en vient au commerce d'organes prélevés sur des pauvres, se pose la question de l'éthique.

Reste qu'en Inde, nombre de médecins réputés et d'hôpitaux ont de bonnes raisons d'être inquiets. Le commerce d´organes ne pouvait pas travailler sans eux. Et il doit se bénéficier de complicités à haut niveau, y compris au sein de la police.